Hard !

Montagne.Hard.

Trail d’envergure, par son format et la beauté de son parcours….cette année la Montagn’hard est arrivée bien vite…
Ces 6 derniers mois ont été si rapides….si houleux, si durs… La notion de temps, à toutes les échelles est franchement relative…

Je prends l’avion pour les Alpes sans prétention. L’entrainement est correct, sans plus. J’ai des sensations et surtout l’esprit apaisé. C’est nouveau et ça me fait un bien fou.

Je m’aperçois aussi que mon alimentation, modifiée radicalement depuis quelques mois a un impact extrêmement bénéfique sur mon état de forme. -You are what you eat-.

Levé à 4 h du matin pour un départ à 5h. Faut se mettre en route. Les affaires sont prêtes. Il va faire beau, et chaud.
Musique sur les oreilles, involver en fond sonore, je gère le départ souplement.
J’ai souvent tendance à partir un peu vite.

Je me trouve malgré tout dans le groupe de tête, sans trop forcer. J’ai fait le choix de partir sans frontale, la lueur du jour arrive rapidement. En attendant, j’ouvre les yeux bien grands et je respire à pleins poumons l’air humide de la montagne qui s’éveille.

Le premier ravitaillement, un quart de banane attrapé au vol. Puis le Prarion. Jolie ascension avec en format paysage le mont blanc et la vallée de Cham. Au levant. C’est magique.
Je monte à un rythme que je trouve lent derrière 3 coureurs. Je gère et décide de ne pas doubler.

Je passe la seconde dans la descente vers Bionnassay. Il commence dejà à faire chaud.
Heureusement la montée vers le col du tricot est en partie à l’ombre.

Je me sens encore bien. Je suis un mec qui a l’air solide et qui m’avait d’ailleurs devancé sur le trail de Môle en Mars. Le genre militaire, cheveux rasants, mâchoires serrées, jambes sur-musclées. Nous avons pas mal fait le yoyo lui et moi. Son rythme étant plus rapide mais moins régulier que le mien.

Arrivé au refuge de Miage, un des plus beaux spots de la région selon moi, je fais un point rapide. Aucune crampe, pas de douleur musculaire, un début d’ampoule. 4h45 que je cours. Je passe dans les 15, mais je ne me préoccupe pas plus que ça du classement. La route est tellement longue….

J’enchaine les difficultés suivantes «en gérant» au mieux. La montée, longue, à tré la tête depuis le haut des contamines sera faite souplement. Je suis souvent seul. Je double quelques gars qui «explosent» en cours de route. Départ trop rapide sans doute.
Au refuge, bonne ambiance, plein d’eau j’essaye de ne pas trainer même si l’envie de s’asseoir est bien présente !

A la descente je commence à avoir un peu mal aux pieds. Mes orteils tapent au fond des chaussures. Je casse un peu le rythme. Et je me casse la gueule sur une dalle humide aussi. Vexant. Je continue sur la route de notre dame de la Gorge. Je sais que si tout va bien, je repasserai ici dans 4h et dans l’autre sens… C’est plat et il fait chaud. Bref c’est chiant.
Aux Contamines (50km) il y a du monde. C’est sympa. Je m’enfile 2-3 verres de soupe avant de repartir pour un bon 1600m de D+.

En cours de route je croise après quelques lacets deux jeunes qui m’encouragent et me photographient ! J’apprendrai par la suite qu’il s’agissait de Charly et Alexia ! Des enfants d’amis de mes grand parent !! Merci à tous les deux pour vos sourires et les supers clichés, très réussis !

L’ascension du mont Joly sera pénible à cause de la chaleur. Tout se fait plus lentement.
A la bifurcation entre les courses (57/107) j’hésite un moment. J’ai déjà pas mal couru. Et l’envergure de ce qu’il me reste à parcourir me donne des frissons.
Cette année, sur 250 inscrits, seulement 90 passeront la ligne d’arrivée.

Mais pour l’instant, devant, aucun abandon. C’est con mais ça me motive. je prends la rampe qui mène au gros tas de cailloux, 600 m au dessus. La montée est technique mais la vue compense l’effort du moment. Je suis obligé de m’arrêter pour manger un peu, je sens que je fais une petite hypo. Et en marchant je ne peux rien avaler. J’ai la bouche sèche.

Du haut mon militaire me gueule «Allez Fainéant!!»
Du coup, bah… je repars.

La descente suivante, un bon 1700m est très cassante. Heureusement je m’éloigne un peu du chemin pour trouver un peu de neige (que beaucoup souhaite plutôt éviter). Quel bonheur de glisser sur ces névés, à vive allure. Aucun choc, de la glisse, un peu de fraicheur…

Les Tappes, 65km. 11 h de course déjà. Je m’offre une pause de 15 minutes. le temps de me changer et de me préparer pour la nuit. J’ai vraiment du mal à m’alimenter à présent. Cumul de l’effort fourni et de la chaleur de la journée.

Bruno le «militaire» est là avec un ami à lui. C’est une chance d’avoir des proches sur une courses comme celle ci. Les voir ensemble me booste aussi. Son accompagnateur nous encourage et nous annonce 8eme et 9 eme position, à 8 minutes seulement des 4-5-6. Il repartent avant moi. Le temps que je constate que mes deux ongles d’orteils sont bel et bien décollés. Ca fait un mal de chien.

Je repars clopin clopant en marchant sur les mains.

Dans la vallée, beaucoup de familles. C’est dimanche, il y a un soleil radieux. Comme je les comprends. Et je les envie presque. Pourquoi se faire si mal. Se donner autant. Dans quel but. Je trouve toujours une réponse honnête et sincère à ces questions, au repos. Mais là j’avoue être à court d’idée.

Je remonte vers le col de la fenêtre, encore un bon 1500m à se taper. Mon cardio chute encore un peu avec la fatigue mais c’est normal. Je me cale un petit rythme de jambe basé sur ma respiration et je prends mon mal en patience. Finalement je monte pas si mal puisque je rattrape Bruno à mi- parcours alors qu’il était reparti avec 5 bonnes minutes d’avance du ravito. Il cale. Impressionnant de voir une telle force de la nature souffrir comme ça. Il en a marre. N’avance plus. Je l’encourage. Il me dit vouloir abandonner.
Je continue, déçu pour lui mais optimiste. On a tous des moments comme ça dans un trail aussi long. Il va se reprendre.

Ma montre me lâche, au bout de 13h. Plus de cardio. Plus d’alti. Plus de kilométrage. On continuera à la sensation. La lumière est sublime.
Je passe devant un chalet magnifique et me dit que j’habiterais bien à cet endroit précis. Je m’arrête pour boire dans le torrent et le propriétaire, Maxime, 66 ans m’interpelle en me disant qu’il a mieux à me proposer. Je regarde ma montre. J’ai plus de montre. J’accepte.

Je me pose sur sa terrasse et me bois un fond de genépi ! le cadre est féérique. Il a acheté son chalet sous forme d’écurie en ruine en 1982 ! Depuis ma naissance, il le retape. En montant le matériel sur son dos, en helico, en moto….

Je resterai volontiers passer la nuit à bavarder mais voilà Bruno qui arrive. Je repars avec lui pour le relancer.

La tête me tourne un peu. Je ne sais pas si c’est la fatigue, le Genep’ ou les deux… Je passe le col de la fenêtre et entre dans le Beaufortain.

Lumière du soir, il est 19h, enfin je crois !
En bas j’aperçois le ravitaillement. Une magnifique tente messe Northface, petite lueur orangée au fond de la vallée.

De nouveau je cherche des pentes enneigées. Salvatrices. Mes pieds…. Je me concentre sur autre chose. Des pensées positives, agréables. Les personnes que j’aime.
Mes copains qui se marient aujourd’hui et qui attendent un bébé dans quelques semaines… J’aimerai être avec eux. Je me dis que si j’ai fait le choix de courir ici plutôt que de partager ce moment avec eux, je me dois de continuer. C’est idiot. Mais ça m’aide.

Encore de la soupe. Il n’y a que ça qui passe de toutes les façons. On m’annonce une 7eme places, à 6 minutes des 4-5 (qui quittent le ravitos quand j’arrive). Je trouve ça pas mal et ça me motive mais je sais qu’avec les douleurs que j’ai au pied je ne pourrai surement pas les accrocher. En descente, à ce niveau, les écarts se creusent très rapidement.
Les 600 m de dénivelé pos’ suivant seront longs, très long. Une succession de bosses. Tu arrives au sommet en pensant que c’est la dernière et tu aperçois le suivant puis celui d’après… 13km comme ça pour finir à 2600m. Toujours cette lumière magique. J’aperçois quelques marmottes. J’ai envie de planter ma tente et de dormir là, à coté de ce petit lac….

Beaucoup de neige encore sur le versant nord, en basculant vers le barrage de la Girotte.
Sur le bas, le sentier est cassant… je dois franchement réduire le rythme. Ca tape. Mes pieds deviennent une abstraction.

Je me ravitaille. Il commence à faire sombre. Je sors la frontale mais ne l’allume pas.
La route remonte au col joly. Je mets une petite accélération pour essayer de récupérer le temps perdu dans la descente. Je rattrape David, le 7eme et nous finissons ensemble les 800 m d’ascension jusqu’au col.
Il est 23h. 90 km. Je visais de finir en moins de 20h, arriver vers minuit/1h. Je sens qu’à cause de mon rythme devenu médiocre en descente il va falloir que je prenne mon mal en patience…
Super ravitaillement, ambiance géniale avec les cloches et… la soupe !

Le mur qui monte vers l’aiguille Croche est vertigineux. On met parfois les mains tellement ça grimpe.
Le manque de sommeil des jours précédent se fait sentir pour la première fois. J’ai un petit coup de pompe dans la côte. Je casse un peu le rythme sans m’arrêter. Il n’en est plus question.

La progression sur l’arête est magique. Les contamines d’un coté, Megève de l’autre. Tout illuminé. Et les étoiles…
J’éteins ma frontale quelques instants. Le chrono s’arrête dans mon coeur.

Je me remets en route. Le parcours sur l’arête est long, technique comme il faut, avec plein de bosses d’un cinquantaines de mètres à grimper puis à redescendre. Relancer à ce moment est un vrai challenge. Puis il faut éviter de se la coller et finir 1000m plus bas…

Je me laisse rattraper par un coureur accompagné de sa femme. Il a l’air usé. Elle a l’air heureuse. Il font une belle équipe. Visiblement moins expérimentée, elle le guide néanmoins et s’occupe de lui avec fraternité. On sent que les rôles s’inversent à ce moment. Le grand sportif, dur et costaud, se trouve à présent porté par sa femme.

LA descente finale est longue et je l’appréhende. je sais que je vais souffrir.
Je décide de me préserver. Je ne joue pas un podium, seulement des places d’honneur. Rien ne justifie de se blesser outre mesure.

Je descends donc en trottant, sur le côté. A droite, à gauche. les ampoules éclatées saignent et font splish splash…. Mes ongles flottent… l’année dernière je suis descendu en 35 minutes. Cette nuit je mettrais 1h50. Heureusement que j’avais fait un bon trou par rapport aux poursuivants. Je me fais tout de même reprendre par 5 personnes dans la descente.
C’est comme ça. Ca fait parti du jeu.

J’arrive dans le village en trottant, accueilli par mes potes Fred, Juju et Armando. Ils se sont levés dans la nuit pour m’accompagner sur les derniers mètres. C’est absolument génial.

Quel soulagement de les voir. De passer sous l’arche. De s’asseoir pour de bon…
il est 2h12 du mat. Je finis 5eme sénior, 12eme au scratch. Un résultat honnête pour un amateur.

En retraçant le parcours mentalement, je me rends compte de la distance. De l’effort.
Je ressens les sacrifices qu’il faut faire. Pourtant je suis satisfait. J’ai toujours eu l’impression de gérer physiquement. D’avoir de la marge. Je finis dans un état correct. Sans une crampe.

Cependant à chaud je me dis que c’est vraiment une grande distance. Que la notion de plaisir disparait parfois sous le poids des kilomètres. Il faut toujours mettre dans la balance ce que l’on en retire, sur le court et le long terme j’entends, et ce que cela coûte.

Pour le moment, cela penche toujours du côté favorable… Merci à tous ceux qui m’ont soutenu et encouragé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 Comments

  1. julbo
    8 juillet 2013
    Reply

    ;-)You made it Yeahhhhhh !
    Beau récit…
    On a pensé à toi à 5h du mat et tout au long de la course d’ailleurs bravo pour ton épatante douloureuse perf !
    Maintenant prends soin de tes pieds !
    Le 60 était génial sauf à la fin…;-) un calvaire…

  2. jerome
    8 juillet 2013
    Reply

    Ben j’ai qu’une chose à dire: t’es un taré !!!

  3. nagel
    8 juillet 2013
    Reply

    Petite promenade cousin ?
    Sacrée performance tu veux dire.
    Plus de 100 bornes !!!
    bravo.

  4. Xav
    8 juillet 2013
    Reply

    Born to run?
    Beau récit et belle course, a en couper le souffle
    Si j ose dire.

  5. Nandou
    9 juillet 2013
    Reply

    Merci de prendre la peine de nous raconter ton exploit en détails. Tu mets combien de temps à récupérer des pieds en état ?
    Je pars chez tes parents demain… Que du bonheur.
    Bise à toi

  6. steph
    10 juillet 2013
    Reply

    j’ ai honte … j’ ai pris ma voiture pour aller chercher le pain à la boulangerie 4 km aller-retour ….

  7. Rita
    30 juillet 2013
    Reply

    Le GR20 t’attend ! 😉
    Superbe parcours!

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